Biographie


Qui eût cru qu’un jeune Haïtien autodidacte comme moi allait un jour peindre la Bretagne ?

Certes, depuis que j’étais môme, j’aimais dessiner : à l’école, les filles m’empêchaient de travailler en disant : « Ernst, dessine-moi une fleur dans mon cahier de poèmes ou de chansonnettes françaises ! » Et moi, je m’exécutais pour montrer mon talent ! A leur tour, elles me chantaient une chansonnette française pendant la récréation, j’ai bien dit une chansonnette française, car à l’école on ne nous laissait pas parler créole ! Nous subissions le même sort que nos pauvres frères bretons, je crois ?

A cette époque, nous vivions dans la joie d’une parfaite harmonie, hormis quelques appréhensions de mon père devant mon penchant artistique !- et en ma qualité de fils aîné , on peut dire que j’étais le petit prince !

Quelques années plus tard, la vie de ma famille a basculé dans l’obscurité, comme si un raz de marée l’ avait entraînée dans l’océan ! La crise politique, les coups d’Etat successifs ont mené le peuple haïtien à la ruine : mon père perdit son poste et toutes ses économies. Il ne parvint plus à subvenir à nos besoins, devint fou et mourut de chagrin en laissant ma pauvre mère avec 5 enfants.. Ma mère ne pouvait plus payer mon écolage.

Je me suis senti désemparé, abandonné et ne pouvant compter sur la diaspora ni ne voulant sombrer dans la criminalité, je m’en remis à Dieu et aux bons esprits qui me protègent pour donner un repère à ma vie et je décidai d’abandonner l’école pour quelques années et de prendre mes pinceaux. C’est ainsi que je peignis « le Paradis perdu de Haïti » représentant la luxuriance de la nature , habitée d’esprits bienveillants en hommage à mon père qui disait toujours que mon pays, Haïti chérie, était la « perle des Antilles ».

En Bretagne, aurais-je retrouvé mon paradis perdu ? Peindre la Bretagne fut pour moi une expérience inoubliable, infinie car la Bretagne ne m’a pas encore révélé tous ses secrets. J’ai réalisé un projet, dont le propos était de vous faire (re)découvrir la Bretagne à travers mon imaginaire haïtien. J’espère que vous la reconnaîtrez et l’apprécierez en dépit des transformations que je lui ai fait subir ! Quant à moi, je m’interroge encore sur le mystère de ma propre transformation à son contact, sur le mystère de la vie !